mardi 12 mars 2024

Polar - « Le silence des nonnes » après des hurlements d’horreur

 Seconde enquête de la commissaire Priya Dharmesh, flic d’origine réunionnaise imaginée par Marie Capron. Un polar très gore où ça meurt et ça mord… 

Certains romans policiers ne font pas dans la dentelle. Pour dénoncer la noirceur du monde, rien de tel qu’un bon massacre. Une course à l’horreur parfois malsaine. Sauf si elle est doublée d’un humour corrosif. Ou d’un discours politique progressif. Il y a un peu de tout cela dans Le silence des nonnes, second roman ayant pour héroïne le commissaire Priya Dharmesh. Cette petite femme d’origine réunionnaise, célibataire mais sur le point d’adopter la petite Lison (la rescapée de sa première enquête, La fille du boucher), est appelée avec son équipe dans un monastère parisien.

Douze nonnes se sont enfermées dans une pièce et refusent d’en sortir. Une fois la porte ouverte, les policiers découvrent un abominable massacre : « Je suis happée, raconte Priya, narratrice du roman, par la vision des vêtements sanguinolents éparpillés sur les marches de l’estrade. Ils semblent avoir été arrachés par un démon, découvrant des fleurs de chair éventrée sur des peaux diaphanes. […] Des mâchoires béantes vomissent un sang encore frais. Il m’est impossible de dénombrer les corps dans cette imbrication de membres déchiquetés. Partout, des plaies fleurissent dans cette mêlée humaine qui semble s’être livrée à une barbarie inouïe. » Les nonnes se sont entredévorées, victimes d’une drogue de synthèse déclenchant un cannibalisme irrépressible. Les créateurs de ce poison, deux jeunes idéalistes, sont capturés par la CIA qui va tenter d’utiliser le produit pour déclencher le chaos en Europe.

On retrouve parfois des airs de San-Antonio de la grande époque dans ce polar extrême. Le machiavélisme des méchants semble le seul adversaire de Priya. Sa détermination à faire triompher la vérité sera rudement mise à l’épreuve quand les politiques lancent la machine à fabriquer du récit, l’autre nom des mensonges d’État.

Un polar mené tambour battant, entre action, horreur et critique sociale. Du grand art qui distrait et fait réfléchir.

« Priya - Le silence des nonnes », Marie Capron, Viviane Hamy Éditions, 352 pages, 21,90 €

vendredi 8 mars 2024

Un témoignage : Le cinéma, 50 ans de passion

 


Nicolas Seydoux a longtemps présidé Gaumont. Il livre dans ce récit le témoignage d’un des patrons de cet art, également secteur économique essentiel en, France. Il revient sur son parcours, les grands succès (Le Grand Bleu, Intouchables…) mais surtout raconte les hommes et femmes qu’il a eu la chance de croiser.

Des portraits parfois intimistes des grands du cinéma français comme Alain Poiré, Luc Besson, Jean Reno ou Daniel Toscan du Plantier. Il ne se met pas spécialement en avant, se présentant simplement comme un patron désireux de faire fructifier cette marque exceptionnelle aussi ancienne que ce cinéma qui a fait sa renommée mondiale.

« Le cinéma, 50 ans de passion », Nicolas Seydoux, Gallimard, 450 pages, 27 €

jeudi 7 mars 2024

Un album jeunesse : Les cheveux de papa

 

Ce petit livre malicieux de Jörg Mülhe plaira à tous les jeunes papas qui ont des problèmes de calvitie naissante. Comment expliquer à ses enfants qu’on perd déjà des cheveux, comme Papi, même si lui est vieux, très vieux ?

L’auteur de cet album imagine que les cheveux de papa sont des petits rigolos ayant soif d’aventures, bien décidés à découvrir la vie par leurs propres moyens. Ainsi, un matin, dans la salle de bains, ils ont quitté le crâne de papa et se sont envolés par la fenêtre.

Il a bien essayé de les rattraper, mais ils ont toujours été plus rapides. Mais qui sait, peut-être reviendront-ils un jour ?

« Les cheveux de papa », L’École des loisirs, Pastel, 68 pages, 12 €

mercredi 6 mars 2024

Cinéma - Le “Bolero”, l’œuvre qui éclipse la vie de Ravel

 Gros plan sur la vie de Maurice Ravel, compositeur du Bolero, filmé par Anne Fontaine et interprété par Raphaël Personnaz. Un film sur un air devenu universel. 


Cinq fois candidat au prix de Rome. Cinq échecs. Pourtant Maurice Ravel (Raphaël Personnaz) était déjà considéré comme un très grand compositeur. Cela donne lieu dans Bolero, film d’Anne Fontaine, à une scène finalement assez joyeuse. Avec quelques amis dont Cipa Godebski (Vincent Perez), ils trinquent « à l’échec ! »

Maurice Ravel, éternel perdant ? Il se serait contenté de cette étiquette, mais en 1928, pour la danseuse Ida Rubinstein (Jeanne Balibar), il compose un morceau de 17 minutes : le Bolero, devenu depuis l’air de musique le plus connu dans le monde.

Pour raconter la vie de Maurice Ravel, Anne Fontaine a donc décidé de placer le Bolero, et sa création, au centre du film. Longtemps, Ravel repousse ce travail de commande. C’est à la demande insistante de sa muse, la femme qu’il semble aimer secrètement, Misia Sert (Dora Tillier), qu’il accepte de se mettre à la tâche. Dans sa maison refuge, en contemplant la nature, il pose les premières notes sur la partition. Puis passe au piano, imagine cette ritournelle lancinante et la répète de façon crescendo. Il n’en sera jamais totalement satisfait : pas d’âme, juste une expérience d’orchestration.

Mais lors de la première du ballet, c’est un triomphe. Maurice Ravel, déjà célèbre (il faisait régulièrement des concerts aux quatre coins du monde), devient une star planétaire. Mais pour un seul morceau qui éclipse tout le reste de son œuvre. Le film aborde aussi cet aspect de sa carrière, cannibalisée par ces 17 minutes géniales. Géniales car on ne peut s’empêcher, au cours de sa création puis de son interprétation dans le film, de succomber à sa simplicité, sa virtuosité.

Le Bolero a été qualifié de charnel, d’érotique. L’inverse de la vie quasi monastique de Maurice Ravel. Il n’avait qu’une seule épouse : la musique. Anne Fontaine a cependant voulu faire sentir au spectateur combien ce créateur était sensible et délicat. Quelques scènes entre Raphaël Peronnaz et Doria Tillier sont d’une rare sensualité.

Amour platonique, peut-être causé par la trop grande importance de la mère de Ravel dans sa vie. Les amateurs de psychanalyse y trouveront matière à réfléchir. Ce qui est sûr, c’est que Ravel, une fois le Bolero mis en orbite, a lentement décliné, atteint d’une maladie du cerveau. Il ne pouvait plus composer, mais la musique était toujours présente dans sa tête. De nouveaux Boleros que l’on n’aura jamais la chance d’apprécier.

Film d’Anne Fontaine avec Raphaël Personnaz, Doria Tillier, Jeanne Balibar, Vincent Perez, Emmanuelle Devos
 

 

Cinéma - “La salle des profs”, reflet d’une société en perdition

Film d’lker Çatak avec Leonie Benesch, Michael Klammer, Rafael Stachowiak, Leo Stettnisch


Que se passe-t-il dans cette salle des profs d’un collège allemand ? Solidarité et concorde ont déserté le lieu. Carla (Leonie Benesch), jeune prof de maths, nouvellement affectée, découvre que tout le monde se surveille. Il y a des vols. Chez les élèves et les profs.

Elle tend un piège et filme la voleuse. La première pièce d’un puzzle machiavélique qui va transformer le collège en véritable poudrière. La salle des profs d’Iker Çatak, sélectionné pour l’oscar du meilleur film étranger, inaugure un nouveau genre, le thriller scolaire.

Carla se retrouve acculée. Elle se met à dos ses collègues mais surtout toute la classe d’Oskar (Leo Stettnisch), le fils de la présumée voleuse, mise à pied temporairement. Le film devient de plus en plus oppressant, la position de Carla intenable, celles d’Oskar et de sa mère encore plus délicates.

Une réalisation au cordeau qui bénéficie d’une interprétation magistrale, notamment de Leonie Benesch qui aurait sans doute mérité, comme Sandra Hüller, d’être nominée comme meilleure actrice.

 

Cinéma - Le saxo majeur de “Blue Giant”

Un film japonais d'animation (tiré d'un manga) de Yuzuru Tachikawa racontant la formation d'un groupe de jazz. 


Tiré du manga de Shinichi Ishizuka édité en France Chez Glénat, Blue Giant est le genre de réalisation qui va passionner les amateurs de jazz et sans doute créer des vocations. Pas forcément de musiciens, mais de nouveaux amateurs de cette musique qui a su au fil des décennies traverser les frontières et conquérir toutes les civilisations. Au Japon, le jazz ressemble presque à une religion. Les adeptes sont ceux qui vont dans les clubs, le clergé les musiciens.

Dai, jeune prodige du saxo, décide de quitter sa province pour tenter sa chance à Tokyo. Hébergé chez son meilleur ami, Tamada, il va faire des petits boulots la journée et répéter, seul devant le fleuve, tous les soirs. Ce qu’il aime dans le jazz, ce sont les solos d’improvisation. En allant dans un club, il croise la route de Yukinori, pianiste expérimenté. Ils ont le même âge, décident de répéter ensemble dans un club qui n’accueille plus de public. Manque un batteur. Dai va proposer le poste à Tamada, totalement novice mais enthousiasmé par l’idée. Le goupe Jass vient de naître et le film Blue Giant raconte sa progression jusqu’au sommet en moins de deux ans.

Si la première partie est un peu laborieuse (découverte de Tokyo, rencontre des membres, premières répétitions), la suite est véritablement enthousiasmante. Les longues scènes au cours desquelles le groupe joue à l’unisson sont un bonheur rarement atteint dans une fiction. Et les effets graphiques et de couleurs amplifient d’autant l’impression d’osmose entre les trois jeunes artiste, la musique, le public et les spectateurs qui se trouvent catapultés au cœur de ce jazz en images. 

 

mardi 5 mars 2024

Un livre voyage : Marra Sketch

Une semaine au Maroc, des photos et des dessins durant ce petit voyage. Et à l’arrivée un joli livre signé Ben Caillous au dessin et Laurent Herencia pour la partie photographique.

Les deux amis avaient envie de collaborer ensemble, ce Marra Sketch est l’occasion parfaite pour qu’ils fassent répondre leurs regards sur les habitants du Maroc. Ben Caillous, dessinateur installé à Villelongue-dels-Monts dans les Pyrénées-Orientales explique que « Le défi était de réaliser un sketchbook sur six jours à Essaouira et Marrakech. Deux ambiances différentes. » Et de reconnaître que dans ce livre, « ce sont les expressions, les postures et les scènes de vie locale qui nous ont captivées. »

« Marra Sketch », Les Presses Littéraires, 108 pages, 18 €